Le cœur qui se déchire, dévoré par l’appétit vorace d’une nuée de corbeaux, je crie dans mon silence. Je crie à la traîtrise, je crie à l’abandon ; je crie aux horizons qui se sont levés sans moi.
Je me sens comme un de ces gamins naïfs et innocents qui vient de passer une demi-journée sur son château de cartes. Pas tout n’est parfait, il est instable par endroits, mais il en est fier. Si fier qu’il se voit déjà le montrer, achevé, à ceux qui l’aiment. Il l’a construit, il veut maintenant le chanter. Et soudain, le vent vient balayer son oeuvre et lui rire au nez. OK, elle était perfectible ; mais c’était la sienne. Il l’avait construite, il y avait mis toute son âme ; et son acte de créer lui avait prouvé sa valeur… pour que finalement, la vie n’en laisse que des débris morcelés à l’arrière-goût amer.
C’est sûr, certains viendront me dire que si le vent l’a brisé, c’est pour faire de la place à une nouvelle oeuvre, pour qu’émergent le naissant et l’inédit. Mais allez dire ça à l’enfant ! Le môme y chiale, comme moi ! Y chiale de voir ses efforts réduits à néant ! Y chiale de devoir toujours recommencer, sur les ruines des espoirs passés ! Y chiale d’incompréhension, parce qu’y pige pas pourquoi la vie lui a craché dessus en l’envoyant chier, sans empathie et sans raison !
Alors, dans le cadavre de son édifice désuet, il pioche une carte et, avec ce fragment de réussite inachevée, il s’ouvre en deux. Pour que les corbeaux qui le dévoraient puissent s’enfuir enfin. Pour que toute cette noirceur et toute cette colère, qui l’ont vidé jusqu’à sa dernière goutte de sang, s’en aillent répandre ailleurs la mort de l’Être.
Alors que son oeuvre n’était pas encore tout à fait née, l’enfant est mort. Inachevé.