Tu ne me dis plus rien. Depuis que tu es partie, ta présence laisse place à un silence qu’on comble tous un peu. J’écris que tu ne me dis plus rien, mais il faut que je rectifie : ce serait plus juste de te confier que je ne t’entends pas. Le silence, c’est peut-être un moyen pour toi de me dire ce que tu es.
Tu m’as mis face à l’amour que j’ai pour moi. L’espace de quelques instants, je me suis pris dans les bras, je me suis embrassé. C’est un frémissement qui ne s’oublie pas.
De l’autre côté de la fenêtre, quelques perles de rosée sur un brin d’herbe nu. J’y vois un écho de ton absence – ou de ta présence, c’est pareil. Franck Lopvet nous dit cela : que pour sentir ce déchirement du vide et de l’absence, il faut que la présence et le plein soient aussi là, proportionnels. Les deux cohabitent, comme les deux faces d’une même pièce ou les deux ailes d’un même oiseau. Toi, tu es un ange.
Quand j’écris que tu me manques, il faut lire : « tu es là ».
En ce moment, tu es superbement présente. Cachée partout, même en moi, tu ris que je ne t’aperçoive pas. Tu aimes jouer à cela : te dérober à mon regard pour mieux y apparaître, resplendissante comme le vide qui nous unit. Ma vie, c’est un peu ça : te chercher, te courir après, lorsque tu es immobile au-dedans de moi. Ton rire témoigne de cette joie : notre partie de cache-cache, c’est un peu d’enfance retrouvée.
Les perles de rosée me font de l’œil, toutes souriantes. Je veux y goûter, y mettre le bout de ma langue puis pouffer avec elles du ridicule de nos vies. Tout est pauvre au monde, sinon toi. Nos existences minuscules, elles tiennent toutes dans le creux de ta voix.
En face de moi, dans un vase, quelques fleurs corail me murmurent des mots d’amour. Elles ne savent parler que de ça, et du firmament. Leur existence, ce n’est rien d’autre que de l’amour en prières, pour exister. En cela, elles sont un peu comme nous.
Nos vies ne tiennent qu’à ça : un grain de félicité, resplendissant comme une aurore lilas, qui bat dans nos poitrines et qui appelle en silence.
Ce qu’il appelle est déjà là.
Toi, tu es partout.
[…] Ce que tu es (27 novembre 2019) […]