Près de trois semaines sans écrire. Trois semaines sans te rendre visite. Il faut dire que ce qui nous rassemble encore, c’est ce maigre cortège de mots qui surgissent parfois de je-ne-sais-où, pour faire sens. Sans eux, je suis perdu.
Depuis ton départ, j’en ai allumé, des bougies. Les cierges ne s’éteignent jamais tout à fait, ils gardent la porte des oubliés. Une fois traversée, cette porte-là, il n’y a plus rien. Alors on allume quelques mèches pour éviter que le noir ne nous guette. Il en faut, du courage, pour arrêter d’éclairer la peur de ce qui se dessine quand tout se dérobe.
Je ne connais personne qui n’ait aucune peur du vide, pas même un frisson. Certains se le cachent, d’autres l’acceptent. Moi, je suis entre-deux.
Aujourd’hui, c’est la veille de ta naissance. Partout, on te couvre déjà de fleurs – même les lys entremêlés aux cheveux de ta mère te sont destinés. Tu deviendras l’homme-soleil, tu seras si radieux que tu en oublieras même de te protéger. L’un vient toujours avec l’autre : on ne peut choisir entre ces choses-là.
Toi aussi, tu es parti, tu as quitté nos vies sur quelques notes d’orgue et de barbarie. Rien ne reste, tout s’en va. Quand je te revois, je me dis que notre existence est toujours résignée. Nous n’avons jamais vraiment le choix. Pourtant, quelques fragments minuscules la mettent en lumière, la rendraient presque habitable – deux-trois grains de poussière phosphorescente dans un désert d’asphalte.
Ce petit geste que tu avais, lorsque tu tournais autour des quelques mèches de ton front dans le sens de tes boucles, c’était un peu comme une comète. Une lueur vive et crue, presque aveuglante, surgissant l’espace d’un instant et devant laquelle tout s’efface.
Face à toi, ce que je préférais c’était je crois ce sentiment-là : ne plus être – et pourtant être tant, n’avoir plus de frontières ou de limites. Dans nos néants, le firmament.
Un peu de rouge au bout de mes doigts – encore une fois, quelques traces de toi.
Il y a des choses dont on ne se lave pas.
Nos existences ne sont éclairées par rien d’autre que par un peu de présence. Si je m’accroche à ton fantôme, c’est pour cela : ne pas être seul face à la vie. Quand tu es là, tout s’évanouit.
Seule la joie demeure.