Je ne sais pas trop ce que ça me fait, de te savoir sur le départ. Je crois que même si j’essaie de me convaincre du contraire, ça crée comme un vide dans l’existence. La trame de joie qui couvrait mes journées s’est un peu percée. Il faut dire que même si l’on se reverra, plus rien ne sera tout à fait pareil. Le monde évolue, et nous avec.
Je me suis défait d’une partie des attentes que j’avais envers toi. Certaines perdurent encore. Je ne sais pas tout à fait vivre sans. De ma vie tissée d’aurores, tu étais l’éclat le plus brillant.
J’ai pris quelques poèmes pour t’en faire un collier. Je m’attendais un peu à ce que tu le portes, à ce que tu l’arbores fièrement. Mais devant ta radiance, tous les artifices s’effacent. Tu n’en as pas besoin : ce qui me sublime dans ta présence, c’est ta transparence. Vouloir t’habiller, ce serait te ternir.
Je ne veux pas laisser de traces, juste t’accueillir.
Je n’y arrive pas. Pas tout à fait. Il y a quelque chose en moi qui veut encore te décorer ou t’embellir. Il y a quelque chose en moi qui veut « faire sien », capturer les moments partagés et s’y accrocher. Écrire, c’est un peu de ça. Un peu d’inconscience au gré des chemins.
J’aimerais trouver autre chose à te raconter. L’aventure d’une graine germée, d’un bocal à anchois ou d’un scarabée quand tombe la nuit. Mais tous ces petits fragments de vie, je ne les vois pas. Dans ce que je regarde là, maintenant, il n’y a que toi. Le reste s’est effacé.
Je te disais qu’il n’y a rien d’exclusif à l’amour que je te porte. Ce n’est pas tout à fait vrai. Si j’aime la danse des magnolias ou le soupir du verre d’eau, c’est parce que je t’y aperçois.
Comment peut-on aimer autant, C., et s’oublier à en perdre la voix ? Ton départ, c’est comme un peu de grêle qui vient frapper à ma vie. Ce n’est pas dangereux, mais ça peut conduire à fermer les yeux quelques instants. Un accident est si vite arrivé.
En vérité, je n’en suis pas encore là. Je dramatise pour me complaire dans un peu de souffrance ou de douleur, mais plus au fond le sourire ne tarit pas. Il ne me quitte jamais, ce sourire-là, bien qu’il aime parfois se dérober à mon regard. Tu m’aides à faire miroiter mes lueurs pour mieux le voir.
Quelques nuages balaient le ciel dans leur uniforme gris, il pleut quelques gouttes de mélancolie – les fleurs laissées derrière toi en sont ravies – et plus en haut, un soleil chatoyant rit des chatouilles de cette pauvre scène.
Tu es sur le départ, je reste moi-même.
Tous les autres sont déjà pris.