Je vois tant de souffrance, d’amour, de sagesse et de folie dans un si petit corps. Une lutte intérieure, pas pour gagner mais pour apprendre à vivre ensemble avec cette richesse-là. Comme à la chorale : apprendre à faire vibrer différentes tonalités pour parvenir à une seule voix, claire et enchantée.
Quand je t’ai dit « je t’aime », je parlais à toutes les parts de ton être – même la part manquante, celle que tu n’as pas et qui vient parfois hurler en moi comme une page blanche se déchire au premier toucher.
Tu as écrit sur mon cœur quelques bribes de silence : à moi de les tresser. Ton existence toute entière est un poème comme celui-là : un poème d’amour aux lettres dénudées, qui ne résonne que par le vide qui lie les mots, par ce fil invisible, extensible et secret. C’est dans ce vide-là que se cache le Divin.
Depuis leur premier sourire lointain, tes cheveux m’ont toujours fasciné. Quelques boucles d’or et de lumière qui chuchotent en riant. Et les courbes de ton âme dans le pli de leur chant.
Le bleu de tes yeux, aussi. Comme si tu voyais en moi comme dans un de ces souvenirs misérables que l’on secoue pour en faire danser la neige. Cette neige, c’est ton sourire, tes paroles et tes silences. Moi, je suis au-dessous, à nu. Dieu ne me permettrait pas le moindre vêtement ou le moindre tissu.
De notre dernier échange, il ne reste déjà plus grand chose, sinon ça : un fossé minuscule entre nous, comme une craquelure sur le sol entre nos vies, que je ne saurais pas encore franchir. Il faut du courage pour ces pas là. Un brin d’herbe entre nous, aussi, qui relie les deux mondes par-dessus la fissure : nos silences conjugués. Ou plutôt devrais-je dire : un silence pour nous unir, nous transporter.
Un silence n’appartient à personne, pas même à Dieu. Un silence, c’est ce qui fait acte, à chaque instant. Dans le silence, pas de « moi », de « toi », de « nous » ou de Dieu. Sans le silence non plus.
Le hors-silence n’existe pas.
Ce qui existe, c’est juste ça : de l’amour voltigeant sur une terre sans barrières, sans frontières ; un rayon de lumière réfracté dans nos cœurs sphériques et sur nos âmes, transparentes comme de l’eau calme et immobile.
Le Matrimandir, c’est toi : un temple à la Mère, une prière silencieuse à ce qui ne peut être dit. Moi, je me sens encore un peu trouble : la lumière passe et s’estompe un peu, ternit.
Je connais peu d’êtres avec la transparence que tu arbores : tu es comme tissée de bouts de rêve et d’étoiles filantes, de félicité et d’abandon à ce qui est, de zéniths et d’aurores.
Le « je t’aime » est encore là, caché entre les lignes.
Délicatement, je te devine.
[…] Un peu de toi (3 novembre 2019) […]